Des hommages touchants de ses amis sur les réseaux sociaux, des mots d’adieu, des images de ses œuvres, ses peintures aux lignes rappelant Edvard Munch, ou une de ses inspirations Egon Schiele. Thomas Mustaki était le « chaînon manquant entre Giacometti et Bernard Buffet», commente Emmanuel Grandjean, spécialiste et critique d’art. Une nostalgie poignante se dégage de ses portraits, les traits fins à l’encre de chine semblent révéler les lignes imperceptibles et discontinues des émotions des visages qu’il couche sur ses toiles.
Je devais le rencontrer le lendemain de sa mort. J’avais convenu avec lui de me rendre à son atelier, alias son domicile à Lausanne. Ma proposition de portrait l’avait enthousiasmé et il m’avait envoyé via wetransfer une sélection d’images en HD de ses peintures. «Bonjour Monica, voici quelques œuvres récentes. J’ai encore de nombreuses toiles à vous faire découvrir.» Mon intérêt était vif. Un jeune homme dans la fleur de son art et de son âge, tout juste 30 ans, cet air un peu rebelle et l’allure de l’artiste maudit, j’étais curieuse de découvrir les facettes de ce phénomène qui montait.
- «Thomas era ed è un'opera! È l'ultimo dei romantici.» (Thomas était – est – une oeuvre! Il est le dernier des romantiques.) L'éternelle amitié de Serkan Camyurdu
Le magazine Bilan Luxe l’incluait dans la nouvelle garde de l’art suisse, il y a moins d’un mois, dans son édition de novembre. Là où Thomas dévoilait l’importance de son œuvre picturale pour sa vie. Son succès croissant lui octroyant un statut officiel sur le marché de l’art, chez Christie’s, lui aura valu également des expositions à l’étranger, bien qu’il ait commencé comme autodidacte à Lausanne.
Sur son site officiel, une brève description indique qu’il «poursuivait depuis plus de quinze ans une exploration graphique centrée sur des personnages élusifs qui étaient devenus sa marque de fabrique. Sa pratique picturale se distingue par sa complexité technique et instrumentale : pinceaux, éponges, posca ou bombes aérosol rendent à ces mille visages l’émotion brute de la création.»
«Cela fait quelques heures qu'on le sait, le soleil se couche quand le bateau rejoint l'autre rive. Tu vas me manquer, tu vas à tous nous manquer. Repose en paix Thomas.» L'amitié éternelle de Frédéric Lemail.
Un court reportage sur son parcours réalisé par Geoffroy Dubreuil en 2016 Bitten by the devil, disponible sur Vimeo met en scène un Thomas Mustaki libre devant ses toiles, lui que la casse de l’adolescence a rendu à la vie grâce à la découverte de l’art. Une inspiration de soulagement sur une cigarette et un moment de jeu avec son chien et les mots deviennent superflus. Il ne nous reste qu’à regarder dans ses œuvres pour le deviner, lui qui confiait en 2015 à Damien Gaillet que «[…] Thomas Mustaki n’est peut-être pas le mec le plus loquace du coin. Mais ce n’est pas pour autant qu’il n’a rien à dire.
La peinture offre plus qu’un équilibre. Elle est devenue un véritable remède qui canalise la violence de son besoin insoumis d’extériorisation.» La maxime Ars longa vita brevis qu’il avait tatouée sur son avant-bras aura pris tous son sens, le mardi 8 décembre 2020.
Adieu Thomas, bon voyage.
Les photos que nous publions sont une exclusivité car il ne les avait jamais montrées sur le web. Merci Thomas.
Texte: Monica D'Andrea