Le parcours de Fablato, c’est beaucoup d’occasions à saisir, de travail en plus du travail et d’autoconstruction. Son terrain de jeu part du Valais, là où il a grandi. D’un naturel discret, Fabrizio savait déjà que sa vocation était le dessin. Il raconte cette anecdote qui l’a poussé à déployer ses ailes, et pour cause : « Nous avions pour consigne de dessiner le plus rapidement possible un oiseau à l’école primaire. Tous les élèves avaient choisi la manière la plus logique en gribouillant un V allongé. Pour ma part, c’est spontanément que je me suis lancé dans l’esquisse d’un perroquet aux plumes majestueuses ! » Dès lors, son orientation artistique ne faisait plus l’objet de doute.
L’oiseau quitte le nid et Fabrizio décroche une maturité professionnelle commerciale et graphique ainsi que son bachelor en illustration et nouveaux médias à l’École professionnelle des arts contemporains (EPAC) de Saxon. Il s’adonne à la peinture, à la BD, à la calligraphie, à l’illustration… mais l’attrait de la capitale économique de l’Italie se fait ressentir dans l’esprit binational de Fabrizio qui se forme en design industriel à l’Institut européen de design (IED) de Milan. Il consolide son univers expressif dans le créneau spécifique des portraits. Enthousiaste, il part littéralement à la recherche des occasions professionnelles. Première étape, le Tessin, où son activité de dessinateur 3D l’enrichit. Il traverse ensuite les Alpes lépontines pour travailler chez Hugo Boss, à Zurich. Il y fait du fashion rendering, le rendu d’un produit en 3D sur images de synthèse, une sorte de visualisation créatrice. Cela l’a mené à développer un intérêt pour la mode et les intemporelles chemises du créateur allemand. Il s’est approprié un savoir-faire en matière de personnalisation de vêtements et y définit son style. Arrive, en 2022, la collaboration avec la marque Our Newnisex « où j’ai été appelé à customiser leurs blazers, lors d’une performance dans un magasin éphémère. Nous attirions la clientèle avec des démonstrations improvisées sur le moment, c’était de l’art interactif. »
L’art n’est pas au coin de la rue: « Le temps est un allié, il a fallu que je travaille, comme je le fais encore actuellement (ndlr : au CHUV, il est formateur au service des admissions), pour pouvoir développer mon activité de dessinateur. Artiste n’est pas un métier facile, mais je ne délaisse pas le projet d’inonder Lausanne par des collaborations ou en redécorant des lieux spécifiques », raconte Fabrizio, qui a justement organisé son premier vernissage à la pâtisserie Sedef, dans la Galerie Benjamin Constant à Lausanne en début d’année. « Je me sens bien dans l’humain j’ai envie de me mettre en relation avec un maximum de personnes qui suscitent ma curiosité et qui sont une source d’inspiration. » Le monde de l’imagerie l’attire, dans le jeu vidéo, le character design également. Les supports doivent être maniés avec une grande précision : « Les mécanismes d’une illustration, d’un point de vue visuel, sont difficiles à comprendre. Il faut respecter une panoplie de codes tout en laissant sa créativité parler. C’est un perpétuel équilibre. Il y a tout un parcours pour capter les choses à faire… ou à éviter. »
Une idée, des visages qui font que Fabrizio Latorre garde un pied dans son domaine de prédilection : « J’ai baptisé Facelato ma série de portraits, car j’aime bien les mots-valises, comme mon nom d’artiste. » En plus des dessins, il crée et personnalise des bijoux, des objets du quotidien comme des tasses ou des tissus. Son inspiration ? La simplicité. « Minimaliste dans ma façon de vivre, je suis la tendance épurée dans le design d’intérieur et ça correspond à ma vision : simple, efficace et teintée d’humour ! » Les visages des portraits de Fabrizio se veulent ludiques, à tel point qu’il en a réalisé un pour la star montante des drag-queens romandes, Frani Elle. Ravie, elle l’avait acclamé sur Instagram. Mais il s’inspire aussi du maître du design italien Bruno Munari, un artiste peintre et illustrateur, auteur de nombreux ouvrages. Ses préceptes sont simples, mais efficaces, comme Fabrizio : « C’est ainsi que par quelques lignes, je transmets une expression, une émotion. Je peux traduire avec le moins de traits possible quelque chose d’assez fort. » Chaque Facelato a une histoire différente, soumise à l’interprétation de chaque regard dans un tunnel d’émotions infinies. On y retrouve les lignes de l’artiste Steve Tepas ou les sculptures forgées de Diego Cabezas.
La technique est un marqueur noir, « ça dépend du type de papier, du grammage, de l’encre. Je le fais sur des feuilles lisses pour l’instant, mais j’aimerais bien tenter la peinture à l’huile et l’acrylique sur toile. Pour développer la famille Facelato, je pense aussi à modeler l’argile, à forger le fer ou à travailler le bois. » Fabrizio dispose de cette imagination sans bornes, ce qui ouvre le champ des possibles également aux technologies numériques, bien que l’authenticité que le fait main octroie permette de rendre unique chaque pièce dont même les imperfections comptent.
Découvreur découvert qui, en bon explorateur, explore le web comme il se balade, d’un coin à l’autre de la Suisse ou à l’étranger. La « curiosité-boussole » de Fabrizio complète son flair dénicheur de beautés ; il l’utilise pour repérer des espaces d’expositions, de nouveaux concepts. Les échanges sont profitables dans le cadre de collaborations artistiques, dans une perspective humaine… ainsi, l’art n’est plus au coin de la rue, mais à portée de main.
Prévu en 2023 :
Colombier : expo chez « J’aime pas les dimanches », lieu de vie d’Élodie Raneri et showroom, tout est à vendre, y compris vos futurs Fablato. www.jaimepaslesdimanches.ch
Rolle : expo à Les Terrasses des Tilleuls, buvette culturelle et associative organisant conférences, workshops, représentations artistiques. www.terrassedestilleuls.ch
Collaboration avec CCALAB, « Comme ça a l’air bien », développement des Facelato sur textile, en impression, en sérigraphie ou en broderie. www.ccalab.com
Instagram : @fablato_design
Texte: Monica D'Andrea