Xavier Cerdá vit une période de mutation… oui, le terme fait peur en cette période de pandémie, mais tout bouge, les virus aussi, et on espère en tirer une bonne leçon pour la suite, vivre vite, ok, mais vivre bien, c’est mieux.
Autant tirer le meilleur des périodes creuses, comme le fait ce graphiste spécialisé dans le design éditorial. Son métier, à la base, est celui de typographe. Un terme peu connu des masses, car la fonction prenait son sens quand il s’agissait de choisir et composer avec des caractères de plomb les ouvrages à imprimer avant l’avènement du numérique.
Aujourd’hui, le parcours de Xavier Cerdá, deux CFC en poche (typographe et graphiste), prend un tournant. Son amour de la typographie mais également son constant besoin de créer, d’évoluer, d’expérimenter avec du texte, l’entraîne à mettre en avant l’importance des milliers de caractères à disposition. «D’où mon virage naturel vers le design éditorial. J’ai travaillé dans les deux grands groupes de presse romands (Ringier et Tamedia ndlr), puis dans des maisons d’édition et dans des entreprises spécialisées dans le custom publishing.»
Influencé depuis toujours par le Britannique Neville Brody, créateur de FUSE magazine et l’Américain David Carson, adepte de typographie expérimentale, Xavier Cerdá travaille son sens esthétique en parallèle de la précision typographique. Chez les Suisses, c’est Ruedi Baur, formé à la Schule für Gestaltung de Zurich, qu’il a suivi de près, et, plus proche de ses origines, le Barcelonais Alex Trochut, illustrateur, designer et typographe. Du côté de sa péninsule ibérique, c’est surtout le Portugais Rafael Serra, typographe et lettering artist, avec une passion pour l'artisanat que Xavier Cerdá admire.
Dessinateur de caractères, il imagine Paco en raison de son besoin de se faire remarquer, dans une période, encore une fois, incertaine. «Les entreprises se restructurent, les postes évoluent. J’ai eu besoin de me rendre visible, de faire parler de moi sur les différents réseaux sociaux, de montrer que je reste actif. Je me suis donc lancé l’objectif de faire une police assez géométrique mais remplie de particularités. Et Paco est née.»
Paco n’est pourtant pas le premier-né. «Kyle est mon projet, de 2012, réalisé au long d’une période de creux professionnel. Disons que ça a été mon début dans la magnifique aventure que représente le fait de créer un alphabet. Car oui, c’est une aventure remplie de questions graphiques auxquelles répondre, des concordances à trouver», continue le graphiste. Kyle existe pour le moment dans sa famille de majuscules et bas de casse (minuscules). Manquent encore à dessiner les chiffres et tous les caractères spéciaux.
Et Paco, à quel clan appartient-il? «Il s’agit d’une combinaison de lignes droites et de lignes penchées à 45°, le tout avec des particularités arrondies. Dans les familles de caractères, elle serait qualifiée de linéale maniérée, avec un fort rapport à la géométrie. » Titrage, lectures courtes principalement : Paco est essentiellement une typographie visant l’affichage, des slogans… pour créer un certain impact. Au fait, comment se la procurer ? Il est un peu tôt pour en parler : «Lorsque j’arriverai à un niveau global de satisfaction, il se pourrait que je mette en ligne la typographie complète», explique son auteur qui peaufine encore sa police tout en travaillant sur les caractères spéciaux, les lettres accentuées, les signes de ponctuation, et ce qui s’ensuit.
Texte: Monica D'Andrea