Matteo Nunziati est l’un des designers et architectes parmi les plus importants de sa génération. Spécialisé dans les hôtels de luxe, les centres de bien-être, les SPA, il a également signé des projets résidentiels, en Italie comme à l’étranger. Quelques exemples ? Les Émirats arabes unis, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Koweït, l’Inde, les Maldives, la Chine ou les États-Unis… Sa collaboration avec la Trump Organization le distingue dans son projet des Trump Towers construites en 2017 à Pune, en Inde, lauréates du NDTV Property Award. Si la marina de Dubaï arbore le Radisson Blue Residence, Milan est fière de compter le penthouse du Bosco Verticale, gagnant du Royal Institute of British Architects (RIBA) en 2018. À Manhattan, c’est vers le haut que l’on portera le regard pour apercevoir l’attique du gratte-ciel de Park Avenue 432, un des plus prestigieux buildings du monde.
Les activités pédagogiques de Matteo Nunziati pour Domus Academy, la National Taipei University of Technology ou l’Institut de Design d’intérieur de Milan ont poussé DADI à demander au designer et architecte d’intérieur qui figurait dans la liste des «100 Icon Architects 2018» dressée par le magazine Interni, comment lui et son équipe vivent le confinement et les restrictions dues au Covid-19. Interview.
Quels étaient vos projets pour le Salon du meuble de Milan, repoussé à l’année prochaine ?
Pour Il Salone 2020, j’aurais signé le stand Rubelli dont je suis le directeur artistique et la collection de meubles et d’accessoires d’ameublement de l’entreprise. J’aurais également présenté le stand Kreoo, une société spécialisée dans la transformation du marbre pour laquelle j’ai également conçu la plupart des produits. Anisi qu’une série de tables pour Molteni & C., un fauteuil pour Lema, un lit pour Flou et une table pour Fiam.
Comment avez-vous géré l’annulation de l’événement ?
Il Salone n’ayant jamais été annulé au cours de son histoire, cela a été une annonce choquante, même si elle était justifiée par la terrible urgence sanitaire qui a frappé l’Europe et en particulier le nord de l’Italie. Il s'agit d'un événement unique, une scène internationale où vous pouvez vous immerger dans le monde du design contemporain. J’essaie maintenant d’étudier de nouvelles stratégies pour comprendre comment promouvoir les entreprises que je suis et les nouveaux produits que j’ai conçus. Certainement à travers des photos et des vidéos et en organisant des événements dans les salles d’exposition des entreprises à l’international. C’est un défi totalement nouveau qui sera certes très complexe, mais aussi stimulant. En tout cas, l’édition 2021 qui fêtera le 60e anniversaire d’Il Salone sera très spécial. Pour la première fois, les événements biennaux seront également présentés : vous pourrez visiter en plus du Salon international du meuble, Workplace3.0, S.Project, Euroluce, Eurocucina et le Salon international de la salle de bains. Bref, une indigestion de design !
Avez-vous fermé votre bureau ou alors parvenez-vous à rester actif ?
Nous sommes pleinement opérationnels, tous connectés via des appareils depuis la maison. Heureusement, nos chantiers internationaux ont des temps très longs et n’ont donc pas été affectés par la pandémie. De plus, avec les sociétés de design, nous étudions de nouvelles stratégies de promotion. J’ai la chance de vivre près de mon studio où je peux travailler en silence. Les voitures à Milan, avec le confinement, sont très peu nombreuses, seules les cloches et les ambulances se font entendre, heureusement ces derniers jours, elles ont fortement diminué.
Comment évaluez-vous l’impact de cette pandémie sur la conception et le travail en Italie ?
Cette pandémie change déjà tout. Dès que la situation sanitaire s’améliorera, nous devrons faire face à l’une des plus grandes crises économiques de notre histoire. Je pense qu’il y aura des moments très difficiles. Je connais très bien certains des plus grands entrepreneurs de design italiens. Ce sont des gens concrets, tenaces et visionnaires, je leur fais confiance et j’ai aussi confiance en nous, les créatifs. Personnellement, il m’est arrivé, à cause de la crise immobilière de 2008, de perdre presque tout et de devoir recommencer. En quelque sorte, avec de la volonté, du talent et même un peu de chance, j’ai tout relancé et j’ai obtenu des résultats encore meilleurs qu’avant, donc j’espère que ce sera comme ça à nouveau.
Comment les habitudes vont-elles changer à votre avis ?
Tout d’abord, je pense qu’il peut y avoir une plus grande prise de conscience de notre fragilité humaine. Peut-être que nous réaliserons que nous ne sommes pas immortels et invulnérables, un petit virus suffit pour tout arrêter. Tout va changer par rapport au design et aux espaces de l’architecture intérieure. En ce moment, par exemple, je conçois les salons d’affaires à l’aéroport de Doha au Qatar où l’on nous a demandé de repenser les tables de buffet en tenant compte des normes de santé très strictes. Nous cherchons des moyens de protéger les aliments sous verre. Les tables seront également espacées.
Vous travaillez beaucoup à l’étranger. Pouvez-vous nous parler de l’impact et de la gestion à distance d’un projet comme celui du Qatar ?
Au Qatar, en plus des salons du nouvel aéroport de Doha, nous concevons une tour résidentielle qui s’appellera la tour Oryx ainsi que quelques villas privées. La gestion est complexe, nous organisons des conférences téléphoniques périodiques où nous discutons avec nos partenaires locaux sur les détails des projets. Habituellement, la visite physique du chantier est fondamentale, mais en ce moment, nous nous sommes organisés pour que les travaux ne s’arrêtent pas.
Une pensée personnelle ?
Je me suis souvent demandé quelle importance réelle avait notre travail. Parfois, nous perdons une journée entière à choisir la couleur de rideaux. Et pourtant, surtout en ce moment d’urgence médicale, je me rends compte du rôle capital d’un métier comme le nôtre, qui consiste à rechercher des objets et des espaces imprégnés de beauté. J’ai réalisé combien la beauté pour l’homme est aussi fondamentale que le fait de manger, dormir ou travailler. Un besoin primordial. Cela nous apparaît comme évident maintenant parce que nous sommes obligés de rester à l’intérieur. Et nous réalisons à quel point il est important de vivre dans une belle maison avec des espaces harmonieux, confortables et fonctionnels qui nous rendent plus sereins et prêts à surmonter ce moment difficile. La beauté peut nous aider à nous sentir plus heureux et cela doit être l’objectif de notre conception.
Propos recueillis par Monica D'Andrea