Vous êtes un designer engagé, vos créations vont de l’écran The Frame pour Samsung en passant par des maisons construites en impression 3D au Mexique et le programme One Laptop per Child. Comment choisissez-vous vos «combats» ?
Fonder fuseproject et collaborer avec un panel de designers talentueux m’a plutôt appris à voir des possibilités que d’envisager des combats. Nous sélectionnons donc nos partenariats avec la plus grande attention. Ces marques regardent-elles vers l’avenir? Intègrent-elles l’expérience humaine? Il est primordial de trouver des partenaires qui partagent nos objectifs et notre vision du monde. J’ai eu la chance de collaborer avec des maisons comme Herman Miller, Samsung, Puma, Issey Miyake. J’ai aussi pu être associé, parfois même cofondateur, à des sociétés telles que August, Happiest Baby Snoo et beaucoup d’autres.
Travailler avec des ONG comme One Laptop per Child ou See Better to Learn Better qui a distribué 6 millions de lunettes correctives à des élèves au Mexique est formidablement stimulant. Ces projets humanitaires, comme les initiatives environnementales et durables, feront toujours partie de mon travail.
Comment traduisez-vous votre vision de la société actuelle à travers le prisme du design?
Mon travail s'inscrit en réaction face à la société et à la manière dont le monde évolue. Il s’investit dans les technologies domestiques les plus avancées tout en réfléchissant aux nouveaux besoins de l’humanité, En tant que designer, j’ai le privilège de pouvoir explorer une multitude de domaines d’activités et d’industries. Ce qui me permet d’envisager des solutions créatives et hybrides à partir de ces plateformes.
Pour vous, le produit doit-il forcément avoir une fonction? Ou bien peut-il aussi représenter un acte de communication pour transmettre un message, des valeurs, une idée?
La fonction peut être concrète, mais elle peut aussi être belle. La meilleure manière de fédérer les gens autour d’une vision est de raconter une histoire. En cela, j’ai la conviction que les objets et les expériences doivent raconter ces histoires pour nous aider à les adopter. Chez fuseprojet, nous innovons constamment. Nous mettons notre esprit créatif au service de projets et d’objets spécifiques, mais nous le mettons aussi à profit pour développer nos compétences de designers. Notre environnement est notre principale source d’intérêt et d’inspiration. Cela est notre acte de communication.
En tant que designer, vous savez anticiper les besoins. Quel serait le message que vous voudriez transmettre à de jeunes étudiants en design industriel? Qu’est-ce qui pourrait les aider à devenir ces visionnaires du futur?
Je leur dirais de ne pas trop se disperser: identifiez vos meilleures compétences et entrainez-vous, intégrez-vous aux équipes! Avec le temps, plus votre contribution sera remarquée, plus elle s’élargira. Avoir un point de vue est bien sûr important, mais il est également crucial de rester ouvert aux idées et au monde… En fait, les véritables visionnaires sont de fins observateurs qui savent rester humbles.
Que pensez-vous du développement de l’intelligence artificielle? «First man, then machine» comme on dit chez Honda. Ou serait-ce plutôt l’inverse?
L’intelligence artificielle recèle un potentiel incroyable, pour autant qu’elle soit utilisée à bon escient et de manière éthique. Au lieu d’avoir une IA qui améliore notre usage des réseaux sociaux en nourrissant nos frénésies de shopping, il faudrait exploiter ces ressources au profit de l’humanité, particulièrement pour aider les malades, les personnes âgées et celles en situation de handicap.
Nous devrions penser à des systèmes qui fassent à la fois preuve d’intelligence et de compassion. Ce qui permettrait de résoudre ces problèmes fondamentaux qui contraignent l’être humain. Un bon design peut montrer la voie en insufflant une approche centrée sur l’utilisateur et les besoins réels auxquels l’IA peut répondre. Comme ElliQ, notre projet de robot domestique intelligent qui maintient les seniors actifs ou Snoo Smart Sleeper, un lit pour bébé qui aide toute la famille à dormir mieux.
Propos recueillis par Monica D'Andrea à l'occasion de la 11e édition des CREA DAYS au Théâtre du Léman, Grand Hotel Kempinski à Genève