C’est un intérieur créé par Daniele Daminelli et qui sort des sentiers battus. Pendant le FuoriSalone de Milan, la Torre Velasca, symbole architectural de l’avant-garde milanaise, abrite, dans l’attique au 25e étage, l’exposition de ce designer et décorateur, ancien membre de Dimore Studio qui excelle dans cette manière de raconter des histoires en mélangeant les objets de toutes les époques.
Dans un souffle particulier inspiré du passé, le jeune designer né à Bergame présente des pièces contemporaines: «Pour la semaine milanaise du design, j’ai pu monter une exposition dans ce lieu symbolique de Milan mandatée par le groupe Unipol, propriétaire de l’immeuble. Un contexte exclusif pour des objets rares, signés par des maestri du XXe siècle que j’ai associées à des créations de ma collection SUPERMOBILE2046», explique Daniele Daminelli qui a, ici, cherché l’inspiration chez James Turrell, cet artiste américain qui travaille avec l’espace et la lumière.
C’est ainsi que tout l’attique vibre d’une aura fuchsia dans laquelle la table Velasca, aux pieds anguleux, règne en pièce maîtresse. Taillée dans un marbre Calacatta, provenant d’une carrière véronaise, elle est un « hommage à cette tour au style néo-Liberty italien, plutôt rationaliste. J’ai travaillé, pour aménager l’espace, sur le thème de la lumière. J’ai ainsi appliqué des pellicules colorées aussi bien sur les vitres que sur les lampes dans l’intention de créer une ambiance romantique futuriste, prête à accueillir mon mobilier.»
Daniele Daminelli a ainsi imaginé la visite de cet appartement en duplex comme un parcours dans le temps. La table contemporaine Annalisa se retrouve ainsi combinée avec des chaises Eames et des fauteuils Josef Hoffmann des années 1920 qui viennent de chez Stilnovo. «J’ai aussi récupéré ce vieux banc de travail en métal des années 1950 auquel j’ai ajouté un plateau en marbre Calacatta violet, pour mettre en relation deux époques différentes. Elle ressemble à une table de Jean Prouvé.»
La paire de divans de Simon Gavina, recouverts de leur velours d’origine, a révolutionné les années 1970 en introduisant la couleur de manière forte. Ici, Daniele Daminelli l’a associé à un tapis des années 1920 de Nichols, qui absorbe la lumière dans sa matière. Le pouf de la ligne Velasca, qui accompagne la table basse produite spécialement pour le lieu, «reprend le thème des fauteuils avec les détails du pied en fer vernis. Le mobilier flexible du designer américain Jordan Mozer m’a inspiré pour ces deux objets qui se modulent selon les besoins», décrit Daniele Daminelli.
Le mélange entre des objets courants et des classiques du design exprime une sensation d’harmonie, libre d’interprétation. Marcel Breuer se confronte ainsi à Lucio Fontana, devant un cadre du XIXe siècle. L’écritoire de Gianfranco Frattini fait face aux chaises Pamplona d’Augusto Savini de 1965, les lampes iconiques de Hans-Arne Jakobsson, amplifient le surréalisme de l’instant. Sans oublier Gio Ponti dont Daniele Daminelli expose les décorations du Royal Continental Hotel de Naples, ou encore celles de l’Hôtel Parco dei Principi à Sorrente sur la côte amalfitaine.
Sur les murs, le designer a accroché des tirages de Luca Gilli, photographe et docteur en sciences naturelles. «Il commence à émerger en tant qu’artiste, comme moi en qualité de designer. Cette collaboration est l’aboutissement d’un travail de longue haleine. Nous voulions entamer un dialogue avec l’extérieur en profitant de la vue sur la skyline milanaise. Entre ce feeling et les aspects techniques, la recherche d’un équilibre entre nos deux langages a été très enrichissante», reprend le designer qui se souvient qu’au vernissage de l’exposition «Gilda Bojardi, qui a créé le FuoriSalone, parlait avec l’architecte Massimiliano Fuksas de cet endroit qui semble sortir de la réalité, la rendant intangible, alors que l’on observe depuis le balcon de la tour Velasca le panorama à 360 degrés sur la ville. C’est vrai que la variété des styles et des idées donne la sensation de se trouver ici tout en se sentant ailleurs.» Une impression renforcée par l’atmosphère à la David Lynch qui évoque quelque chose de Twin Peaks, mais aussi du Silencio, le club parisien imaginé par le réalisateur américain. «C’est l’un de mes cinéastes préférés. Même si c’est le film 2046 de Wong Kar-Wai qui a inspiré le nom de mon studio.»
Texte: Monica D'Andrea