Protection, innovation, fonctionnalisme. Le postulat de l’architecte américain Louis Sullivan délivre la clé du travail du designer, qui consiste à allier forme et fonction en un objet unique. «C’est la loi omniprésente de toutes choses organiques et inorganiques, de toutes choses physiques et métaphysiques, de toutes choses humaines et de toutes choses surhumaines, de toutes les vraies manifestations de la tête, du cœur, de l’âme, que la vie est reconnaissable dans son expression, cette forme suit toujours la fonction. Telle est la loi.»
Dans la digne lignée de cette doctrine formatrice, Raphaël Lutz, designer hyperactif chevronné, a lancé un appel de taille: «Nous trouvions les masques de protection laids et anxiogènes. Ils nous ramenaient à ces sacrifices et restrictions dans lesquels nous nous sommes enrayés depuis plus de dix semaines en raison du coronavirus. Pour le coup, nous avons sollicité 120 designers pour nous proposer des alternatives sexy et innovantes. En tout, 41 (comme l’indicatif téléphonique de la Suisse !) ont répondu présent» Le designer à l’imagination débridée s’est faufilé dans la brèche ouverte par cette pandémie, afin de montrer que le design suisse en a dans le pantalon, capable non seulement de fonctionnalité, mais aussi d’excellence.
«J’ai fait appel à mes amis designers en leur demandant de réinterpréter le masque de protection. Nous avons rappelé ceux avec qui nous avions réalisé le projet des bâtonnets de glace l’année dernière avec Denis Roueche et Prune Simon Vermot. Nous avons également sollicité les lauréats des prix fédéraux de design et les designers qui sont représentés par la Nov Gallery avec qui nous travaillons beaucoup», continue Raphaël Lutz, libre et décontracté plus de quatre semaines après avoir certainement présenté des symptômes dudit virus et maintenant totalement remis. Une fois la liste des 120 designers établie, le projet était lancé. Impressions, commentaires, réactions, tout a été soupesé pour revoir le masque triste, moche et angoissant. «Nous leur avons demandé de se le réapproprier, zéro limite, liberté totale. Il fallait que ce soit fonctionnel et innovant, que les valeurs de chaque designer transparaissent à travers leur masque.»
«Nous souhaitons promouvoir ce projet pour mettre le travail des designers en avant et valoriser ce métier qui nous passionne. En temps de crise, le design produit des solutions.»
Raphaël Lutz, designer @Hyperactiv
Les 41 ont joué le jeu, avec un délai serré de quinze jours, sachant que «nous avions besoin d’une semaine pour mettre en place le site internet, afin de réaliser un vernissage virtuel avec les modèles 3D visibles en live, dans un premier temps. Au mois de septembre, si cela se révèle possible, nous organiserons un vernissage physique, avec les prototypes imprimés en 3D.»
Le design est une discipline phare en Suisse et son style empreint de savoir-faire, de précision et d’ingéniosité helvétique est reconnu et respecté dans le monde. Le projet BYOM rebondit sur l’actualité en offrant une réponse forte de la part de l’industrie créative suisse. Nous avons également ouvert le concours à des étudiants de l’ÉCAL, par le biais de Martino d’Esposito qui s’occupe des propédeutiques pour offrir une section junior. Si la qualité des projets est impressionnante, il faut aussi aller voir le site réalisé par 4 étudiants de l’école lausannoise.
Vecteur de solutions, le design apporte une possibilité de vivre notre quotidien sanitaire différemment. À ce titre, une production à échelle industrielle des masques doit encore être réalisée, avec des partenaires suisses entre autres. Dans une optique écologique et sans oublier l’exigence du masque réutilisable, Hyperaktiv reste très attentif aux possibilités de les imprimer à domicile ou de changer les filtres soi-même.
Le masque transparent pour les malentendants et les sourds a également été pensé par les designers de Virage Studio. «L’important est de mettre en avant la swissness au style sobre, avec son intelligence de conception et d’utilisation », conclut Raphaël Lutz. Ainsi sera remplie la mission du design helvétique.
Texte: Monica D'Andrea