Davide est un designer industriel. Il enseigne à l’École supérieure des Arts Appliqués de Vevey et intervient de manière ponctuelle à l'ESVM à Vevey et à la HEAD — Genève. La lumière, il la connaît et la manie avec brio. «Nous avons scénographié des espaces vente de plusieurs boutiques de luxe dans le monde », décrit le diplômé de l’École d’arts appliqués de Vevey en parlant du Salon de l’horlogerie pour Baume et Mercier ou Mont-Blanc à Genève qui l’a internationalisé, de Chanel encore…
Côté agencement, DCUBE.Swiss, l’enseigne à laquelle Davide et ses collaborateurs logent, à Genève, est partie de l’aménagement d’espaces de luxe pour en parallèle développer ses activités d’éclairage, constatant la carence énorme dans ce milieu. Dès 2002, il invente la lampe Éclipse qui sera un succès dans le cadre d'un projet charnière pour les boutiques «Chanel Worldwide». La planification d’éclairage s’est faite naturellement sur les demandes des clients dès 2005. La relation que Davide a ensuite forgée avec les producteurs d’éclairage l’a conduit à dessiner des luminaires pour eux, dès 2010. De Louis Vuitton à Paris, à Azuelos, une chaîne de boutiques multimarques au Maroc : «J’ai géré le projet en me rendant au Maroc trois à cinq fois tous les deux mois pour suivre les travaux.»
Les projets se sont développés en Suisse et en Italie. Davide a notamment finalisé un travail avec Artemide et Birdlife, inauguré au Salon du meuble de Milan, lors de l’édition tardive en septembre dernier, Covid oblige. Ses projets sont allés encore plus loin — Dubaï, le Liban, Tokyo, les États-Unis — sa vision d’entreprise est celle d’un créateur-entrepreneur, l’un n’allant pas sans l’autre. Qui n’a pas deviné les origines italo-tessinoises derrière le patronyme de Davide ? «J’ai vécu Sur la Riviera durant mes études, mais je suis d’origine tessinoise, du village de Paradiso à côté de Lugano. Je suis né à Fribourg et ai j’ai passé mon enfance en Gruyère.» Il avait 8 ans quand il a créé son alarme infrarouge pour empêcher sa grande sœur d’entrer dans sa chambre!
Les envies divergent et le destin se forge lentement. Inspiré par le domaine du paramédical, il entame une formation de physiothérapeute qu’il abandonne au profit des arts décoratifs à Vevey où il et a pu apprendre à tout manufacturer par lui-même. Il a dessiné, découpé, soudé et pratiqué les classiques pour forger son imaginaire. Comme avec sa troupe de théâtre entre copains pendant l’adolescence. Davide Oppizzi n’a pas eu besoin de passer par les cursus habituels comme l’ECAL ou la HEAD pour faire partie intégrante du panorama du design suisse et y briller. «La première manifestation de reconnaissance est arrivée des États-Unis. C’était pour la collection Ametis, douche futuriste créée pour Graff qui a gagné 13 awards en 2012. Le monde du design Suisse ne fait pas particulièrement la place aux cursus atypiques, malgré les projets avec les bureaux locaux comme Atelier Oï, avec qui nous avons monté des stands pour Baume et Mercier», Davide Oppizzi se souvient que l’on disait de lui qu’il était un martien singulier, hors des sentiers battus.
Son autonomie de pensée le distingue pourtant. Hybride, il navigue d’un design industriel totalement technologique à quelque chose de beaucoup plus artistique. «Je crée pour un monde intimiste qui est le mien et que je fais matcher avec des entreprises, ça vient du cœur, je ne suis pas dépendant de l’extérieur, j’aime prendre des risques sans suivre une tendance, en puisant dans les innovations technologiques ou dans le traitement des matériaux contemporains.» La fusion entre l’art et la technologie relève de cette caractéristique qui s’apparente à un besoin de plus de biodiversité dans le monde du design. «Cette dernière a beaucoup disparu et serait utile pour révéler la personnalité du designer qui en devient le maître», dit-il.
Ses réalisations sont de taille : «Nous sommes en train de développer pour une société de technologies outdoor des sculptures solaires. Cette collection nommée ART-E (Art & Énergie) est composée de monolithes aux divers matériaux (corten, verre, surfaces minérales) dans lesquels sont intégrés des panneaux solaires de nouvelle génération colorée (au rendement de 200W), qui grâce à la technologie de verre Chromatix, rendent invisibles les cellules solaires souvent peu esthétiques.»
« J’ai développé pour mon agence deux segments d’activité : la planification d’architecture et la création d’objets que je signe.» Depuis 2001, DCUBE.Swiss, c’est son affaire, sa boîte a 21 ans — il y pratique avec son équipe la création de design, autosuffisant, à savoir qu’ils produisent leurs propres objets et luminaires. Connus pour la planification d’éclairage, ils s’investissent dans le greentech et l’architecture. DCUBE.Swiss s’est spécialisée récemment dans la lumière circadienne capable d’améliorer les conditions psychosomatiques des êtres vivants sous celle-ci, tant dans le secteur hospitalier que dans le secteur privé. «La vibration du matériau est liée à la lumière, qui est matière: si on ne la considère pas comme telle, on risque d’avoir des problèmes, car on n’aura pas choisi la bonne projection sur le bon matériau. Ce dernier se transforme complètement lorsqu’il est analysé en amont.» Et c’est là que commence le jeu des ombres et des rayons, des faisceaux et des nuances. Davide Oppizzi l’enseigne depuis bientôt dix ans : «La lumière et ses nombreuses typologies (teinte, puissance, positionnement dans l’espace, intensité, variation, ouverture de focale), le jeu de la lumière naturelle, apportent un atout majeur en architecture. Dans les habitations individuelles, l’essentiel est de la faire pénétrer au bon moment au bon endroit à chaque saison. «Toutefois, si l’architecte n’a pas la connaissance de mise en valeur de l’espace avec de la lumière artificielle et non naturelle, ça devient problématique.»
Le designer porte une attention particulière aux nuances et précise que si une lumière n’a pas la bonne teinte kelvin qui fait ressortir le matériau correctement, une distorsion des couleurs a lieu et le résultat en pâtit. Un exemple ? À l’Hôpital de La Tour, DCUBE.Swiss a collaboré avec les médecins afin de créer une lumière dynamique capable d’accompagner les patients dans toutes les étapes des soins de radiothérapie pour que les différents spectres lumineux diminuent le sentiment d’anxiété, d’oppression, de nervosité chez le patient devant affronter ce type de soins. Ainsi, des ciels artificiels capables de générer une lumière très chaude qui stimule la production de mélatonine ont été intégrés dans les salles de traitement. Cela s’est révélé indispensable lors de la pandémie, le sommeil dans une ambiance qui respecte le rythme naturel étant indispensable. «La lumière peut accompagner pour réguler le cycle. La lumière est matière, la lumière est mémoire. Le champ d’expérimentation étant parfois limité, il faut tenir compte de notre expérience passée qui est enregistrée dans notre mémoire et nous conditionne.»
Depuis toujours, l’homme s’évertue à reproduire la lumière du soleil. Davide Oppizzi a cerné les tenants et les aboutissants de ce mystère. Au fil du temps, les outils de l’éclairage ont évolué, la torche, la lampe à huile, l’ampoule, l’halogène et son léger papillonnement et aujourd’hui, la LED, «une technologie perfectible, mais économe, efficace et à basse consommation». La question est toujours celle de comprendre ce que l’œil perçoit en termes de réalité grâce à la lumière. «Comme je le dis dans l’article que j’ai écrit pour Electrosuisse, Human centric lighting, nous devons nous souvenir que nous sommes partis de la guerre du feu pour avoir la lumière de dehors à l’intérieur !»
L’humain est au centre de la question, c’est la lumière qui va vers lui dans son activité plutôt que l’inverse. «J’expérimente sans cesse, mais ce que j’offre dans la lumière est un avantage qui permet de choisir son scénario à l’intérieur en fonction des humeurs de la personne et de sa manière de vivre.» Comme un régulateur de lumière, Davide Oppizzi a trouvé, en faisant la différence entre la perception et le ressenti de la lumière, les clés du bien-être sans, comme le fit le malheureux Icare qui vola trop près du soleil, se brûler les doigts sur une ampoule trop chaude.